Je me suis noyée dans une longue période de psychasthénie due à mes interrogations concernant la manière dont l'Autour se doit d'être perçu. En me déplaçant d'un référentiel égocentré à un référentiel allocentré, je réalisai sa fade platitude : l'Autour est miroir. Mon aversion pour les individus de notre race inutile ne sachant déceler les mensonges dominant le corps était infinie, et je vivais perpétuellement avec l'angoisse sourde de me découvrir commune. Je n'étais qu'une virtualité aussi légère qu'une transparente vapeur. La condensation suppose un milieu matériel et je refusais de laisser la transformation s'opérer. La déréliction psychédélique avait accru mes perceptions. Les corps n'étaient que des automates, exhibés dans toute leur vulgarité. Ils ne vivaient que par de stupides flux de liquides en leur sein qui leur donnait le désir de continuer à s'animer, l'Espoir délétaire de se découvrir un but ou une réalité moins tragique et vide de sens. Ils avaient laissé l'Illusion insensée s'éprendre de leur être. Chacun semblait figé dans son rôle. Les péronelles riaient et s'amusaient - ou du moins cherchaient-elles à en donner l'impression - , et moi j'agonisais. J''avais le vertige et mes entrailles se tordaient sous le joug de ma démence. Je n'étais pas. Donc rien ne pouvait m'avilir. La sensation de peur était définitivement éradiquée de mon être et seule persistait celle de l'ivresse. Quels extases avais-je trouvé en ma folie ! Mon masque me brûlait et les voix semblaient s'élever en moi. Il en est une que j'abhorrais particulièrement, une que je méprisais depuis toujours. J'avais très tôt décidé de lui couper les vivres. Mais un destin forcé me contraint à me plier à ses exigences. Pour ne pas me laisser submerger par cet état de mort psychique tant redouté, je laissai l'Anorexie prendre possession de mon être. Aucune émotion. Aucune pensée. Aucune envie. Mon aliénation ne devait laisser aucune trace.
[Se sentir vivre nous abrutis et nous manipule de par le flux de substances sécrétées par le corps. Je me questionnais à propos de l'état permettant d'atteindre le paroxysme de la lucidité, celui qui amène à nous la réalité sans mensonges. Pour atteindre cet état, le flux doit-il être totalement annihilé afin de laisser s'exprimer l'esprit sans aucune influence corporelle manipulatrice ou bien l'état s'incarne t-il lorsque les substances sont présentes à leur valeur d'équilibre ? ]
[Pensez_vous que le simple fait de se sentir vivre constitue en soi une aliénation du Moi? Je précise que j'entends le terme "aliénation" comme manipulation externe (l'influence sournoise de l'Autour) et immanente au soi (l'incarnation des émotions illusoires de par les flux corporels ) ]