Quatre heure. L'insomnie l'empêche de sombrer dans la plus douce des dimensions. Guidée par la voix de son âme, elle s'avance dans la pénombre et soulève le lourd couvercle noir, le souffle suspendu. Les touches d'ivoire irradient dans la pièce en émettant une faible lumière evanescente, casi-mystique... La Sonate au clair de lune emplit les lieux de sa sombre tonalité mélancolique. Grand miroir de son désespoir... Elle a toujours considéré la musique comme le plus beau et le plus pur des langages, un langage qui, tout comme les autres arts permettent de colmater le vide et le désespoir qui hante le coeur des Hommes. La musique transcende les mots et créé une véritable symbiose entre les éléments. Telle une étoile morte, elle éclaire encore de longs instants après l'achèvement du dernier accord, sa propre lumière continue à se diffuser infiniment... Elle s'abandonne aux mouvements lyriques de la rêverie. Elle était jeune et vivait avec la conscience de sa jeunesse, ce temps si vite perdu, comme le répètent poèmes et chansons. Elle aurait souhaité pouvoir vivre chaque seconde comme une entité, sans que cette seconde soit liée à la suivante, créant une chaîne menant inexorablement à un avenir incertain. Vivre pleinement sans être sans cesse au dessus du vide, sachant que le dérapage est potentiellement inscrit dans chacun de ses pas. Subitement, elle se voit comme elle a été, emprisonnée dans son enfance. Tout lui revient dans un écho tyrannique et cynique. Toutes les routes ramènent au passé. La réalité s'échappe irrémédiablement, et comme dans tout cauchemar, il est impossible de pleurer... Enfin, le soleil se lève, entrainant une prodigieuse métamorphose du ciel. Un grand inscendie teinté d'étrangeté jaillit de l'enfer et éclabousse les cieux. Son regard se laisse absorber par ce tourbillon de magnifiscence, cet ineffable mystère insaisissable. Espérons que l'Apocalypse soit aussi belle...
"La musique souvent me prend comme une mer
Vers ma pâle étoile
Sous un plafond de brume ou dans un vaste ether"
Baudelaire